Bienvenue au 201 rue Sainte-Catherine Est
Vous le savez, nous aimons de temps à autre aborder des thématiques insoupçonnées, intrigantes et méconnues en lien avec le patrimoine. Aujourd’hui on débute une série d’articles qui raconteront les histoires autour de notre nouveau bureau, situé au 201, rue Sainte-Catherine Est, au sein de l’Espace Ville Autrement.
Commençons par un chapitre spécial : certains savent peut-être que le rez-de-chaussée, où nous passons aujourd’hui nos dures journées de travail, a abrité autrefois les locaux de MusiquePlus.
Curieuses d’en apprendre plus, nous avons contacté Claude Rajotte, animateur et journaliste musical, VJ et critique de disques. Ayant commencé sa carrière à MusiquePlus en 1987, il se souvient de l’époque où la chaîne bien connue habitait le rez-de-chaussée du 209-201 rue Sainte-Catherine Est. Les membres de l’équipe entraient en effet par la porte du 209. Le 201, que nous utilisons aujourd’hui pour entrer dans nos bureaux, possédait un tout autre usage. Le Guichet Vox Pop était un moyen d’entrer en contact avec le public. En passant sur Sainte-Catherine, tout passant pouvait ainsi faire une demande spéciale dédicacée en format vidéo, après avoir inséré une pièce de monnaie dans la porte du 201. La vitrine était donc toujours animée.
Monsieur Rajotte nous raconte :
« L’entrée du 201 était fermée à notre époque. C’était le guichet ‘Vox Pop’ dans lequel les gens déposaient une pièce de monnaie, qui allait à une bonne cause. Ils pouvaient ainsi faire, en se faisant filmer une demande spéciale pour la diffusion de vidéoclips sur nos ondes. »
^Entrevue de Claude Rajotte, août 2020, Passerelles Coopérative
MusiquePlus occupait tout le rez-de-chaussée de l’actuel pavillon V de l’UQÀM. Même les espaces extérieurs alentours étaient utilisés. En effet, la rue était un espace d’expression qui permettait aux animateurs d’entrer en contact avec leurs fans à l’occasion d’événements festifs.
« Une fois par année, on organisait une journée portes ouvertes qui était toujours un grand succès. Chaque animateur signait des autographes à longueur de journée, prenait des photos avec les fans. Il y avait des entrevues avec des artistes et des prestations musicales toute la journée. MusiquePlus se servait aussi beaucoup de l’extérieur immédiat de l’édifice. Pendant l’été, nous sortions tout le matériel sur la rue, afin d’y diffuser en direct. Nous allions aussi dans le parc situé en arrière et aussi sur l’avenue de l’Hôtel-de-Ville. »
^Entrevue de Claude Rajotte, août 2020, Passerelles Coopérative
Lancée officiellement en 1986, dans un bâtiment situé sur le boulevard Saint-Laurent, la chaîne s’inspire de son homologue américaine MTV, fondée en 1981. La mission de MusiquePlus est, entre autres, de diffuser du contenu musical francophone, en format vidéo, destiné aux jeunes québécois.es.
En août 1988, la chaîne déménage sur Sainte-Catherine, au 209 Est.
« En fait, ça brasse déjà. «Plus», comme l’appellent ses artisans, a quitté cette semaine ses studios-garde-robes de la Main et a déménagé rue Sainte-Catherine, au 209 est, coin Hôtel-de-Ville. Dans le gros trafic. Un beau building rénové selon le désir de la jeune télé qui veut voir autant que se faire voir: studios-bureaux à aire ouverte, séparés de la rue par du verre. Transparent bien sur. Elle est finie, l’ère du placard. »
^Archives – La Presse, 5 août 1988. Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec)
Claude Rajotte nous décrit l’espace que nous occupons aujourd’hui, à l’époque où ses collègues et lui y emménagent.
« MusiquePlus a agrandi ses locaux en occupant aussi le sous-sol. On y retrouvait une cafétéria, des bureaux et tous les techniciens. Un escalier en colimaçon a été installé près de l’entrée du 201. »
^Entrevue de Claude Rajotte, août 2020, Passerelles Coopérative
Bien que nous n’ayons plus de bureaux fermés dans l’espace, ni de cafétéria, l’escalier en colimaçon conduisant dans le sous-sol est toujours présent !
En 1997, M+ déménage à nouveau, plus loin vers l’ouest sur Sainte-Catherine, au coin De Bleury. La chaîne est rachetée en 2013 par le groupe Bell, puis s’éteint trois ans plus tard, lors d’un remaniement en vue de changer sa vocation, notamment en vue de s’adresser à de nouveaux publics-cibles.
MusiquePlus laisse derrière elle des archives audiovisuelles qui constituent un patrimoine d’importance. Le Groupe V Média, qui est aujourd’hui propriétaire de ces dernières, assure être en train de se pencher sur la façon dont elle les préservera et les valorisera, en collaboration avec Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Il s’agit sans nul doute de l’héritage d’une génération, ancré dans la mémoire collective de bien des montréalais. La gestion patrimoniale ne se limitant pas uniquement aux bâtiments et aux espaces urbains, on peut se demander comment il est possible de mettre en valeur ce patrimoine bien particulier ?